Le ciel m'est tombé sur la tête

Une révélation qui va tout changer - Le Dude est une Dude - La révolution mais à quel prix ?

Lettres d'un jeune boomer
6 min ⋅ 26/10/2025

Dimanche 26 octobre 2025
La Comté, humide et spongieuse comme un cèpe


Camarades, 

Comment allez-vous ? Bien, j’espère. 
De mon côté, je profite de l’automne au coin du feu pour vous écrire ces quelques lignes. La fin d’année approche et déjà, il vous faut penser aux cadeaux que vous allez m’offrir. Courage à vous, je suis tellement gâté que c’en est gênant.

Cette semaine, je vous propose une nouvelle chronique OK Boomer illustrée par mon cher Gilles Rapaport, et c’est savoureux ! Sandrine a appliqué sa magie d’éditrice sur mon texte, il faut au moins ça pour le rendre présentable ! J’espère que cela vous plaira.

Adesias, 

Monsieur Châtellier

PS : Si vous voulez suivre mes aventures pro, c’est sur Linkedin que ça se passe. Pour le reste, c’est sur Instagram quoi !


CHRONIQUE OK BOOMER

Taureau ascendant Poher

C’était mieux avant.
Mais avant quoi ?
Je vais vous le dire : c’était mieux avant ce dîner qui a détruit tout ce sur quoi je me suis bâti.

Volé en éclat mes fondations, évaporé mon toit de certitudes, évanoui le trône de fer, siège de mon humanité. Tout ça pourquoi ? Pour un bon mot dégoupillé sans aucune réflexion, pour une des nombreuses saillies verbales dont je suis assez fier sous le coup de la joie d’être marrant, ivre des hauteurs de l’humour sans doute, mais dont les répercussions ne sont jamais anticipées. C’est pas qu’on peut plus rien dire, c’est juste qu’il faut en assumer les conséquences. Mais je m’éloigne de mon sujet liminaire, laissez-moi l’enfourcher de nouveau.

Nous étions donc autour d’une table, et ça riait. Pour une raison ou pour une autre, j’ai eu le malheur d’évoquer, hilare, ce qui, je crois, me définit le plus : je suis né sous le règne de Georges Pompidou, et ça explique beaucoup de choses. Ne me demandez pas comment nous en sommes arrivés là, probablement le vin des producteurs auvergnats qui s’est grandement amélioré ces dernières années, c’est l’explication la plus logique que je peux vous donner.

Humour extrême-centriste par M. Gilles Rapaport

Pour en revenir à Pompidou, oui ça explique beaucoup. Il y a ceux qui, parce qu'ils sont nés entre le 23 août et le 22 septembre, sont du signe de la Vierge et expliquent ainsi leur caractère de chien (alors qu’ils sont par ailleurs nés une année du Tigre), et il y a moi : je fais partie d’une équipe persuadée que c’est le dirigeant à la manœuvre du plus beau pays du monde lors de votre naissance qui va définir une bonne partie de votre vie. J’y crois très fort et je ne suis pas le seul. Certainement pas, non.

Donc Pompidou. Georges de son prénom, ça c’est la classe. Le successeur du grand Charles de Gaulle dit Le Grand Sachem, il Totem, Le Boss. Georges Pompidou, président des Français, qui à l’époque étaient tous très heureux et très riches, très beaux et très propres aussi, était un esthète de droite, un amateur d’art de droite, quelqu’un de bourgeois avec une épouse chic et cultivée, de droite. Oui parce qu’à l’époque c’était bath d’être de droite.

Donc Pompidou (bis). Être né sous cette étoile, c’était l’assurance d’une vie créative, artistique, de culture, mais aussi de ne pas manger des pâtes et de compter ses sousous à la fin du mois. J’ai eu une chance incroyable, dont je n’ai cessé de me satisfaire jusqu’à ce funeste dîner.

Il suffira d’un signe par M. Gilles Rapaport

Parce que, ce soir là, l’une des convives, qui avait suivi un cycle d’études supérieures dont elle se rappelait autre chose que les soirées étudiantes terminées par le sandwich américain de 5 heures du mat’ de la place Saint-Pierre de Clermont-Ferrand, me poignarda au cœur avec cette phrase : « Mais tu n’est pas né le 8 mai 1969 ? » (j’en profite pour vous glisser ma date anniversaire si vous souhaitez l’inscrire dans votre carnet des anniversaires). « À cette date-là, ce n’est pas Pompidou qui est président. C’est Alain Poher. » Ces deux phrases, comme deux balles d’une roulette russe truquée par les agents du FSB, envoyèrent valser ad patres la construction d’un homme. Bien sûr qu’elle avait raison. Et moi, tort.

Pour vous la faire très courte mais sans aucun raccourci que pourrait me reprocher un historien tatillon, De Gaulle ayant démissionné le 29 avril parce que les Français, ces ingrats, avait répondu non à SON référendum, une élection présidentielle a été organisée rapido presto, et M. Pompidou n’a pris les clés de l’Élysée que le 20 juin. Ce qui laissa le temps à Alain Poher, alors Président du Sénat, d’assurer un intérim que personne, et je dis bien personne, n’a gardé en mémoire. Peut-être a-t-il fait une sieste dans le bureau présidentiel ? On ne sait pas.

Alors voilà, cette convive, dont je tairai le nom pour ne pas me brouiller avec la famille de Celle que j’accompagne, m’a froidement annoncé, devant mes plus proches amis, que j’étais né dans un temps de vacance du pouvoir, dans un trou noir constitutionnel pour ainsi dire.

Comment se remettre de ça ? Vers quel accompagnement me diriger ? Moi qui pensait être « dans le coup », comme Pompidou, selon la fameuse expression, je me retrouve démuni, dévêtu. S’il existe un groupe de soutien pour tous ceux qui sont nés dans cette no-go zone démocratique de 1969, qu’ils se fassent connaître. Merci pour votre attention.

🎶 Play-scriptum : En écrivant ces quelques lignes, j’écoutais en boucle Particule de Miki parce que c’est frais-frais, Say What You Will de James Blake pour les frissons que ça fait là dans le haut du dos, oui oui là, et bien sûr ce live de Training Session de Mlle Dua Lipa pour la raison de la prochaine rubrique ci-dessous.


HAIL TO THE DUDE!

Dua Lipa — ou plutôt Dude Lipa, non ?

C’est donc la chanteuse britannico-albanaise et kosovare qui décroche le pompon cette fois-ci dans mon panthéon personnel des Dudes qui font que le monde me paraît un peu moins foutu qu’il ne l’est. Enfin foutu… si l’on en croit mon agent d’assurance et Pascal Praud.

Mlle Lipa, du haut de ses 1,73 m (mais je suis sûr que cela n’a aucune importance), domine la pop mondiale depuis près de dix ans. Je vous invite d’ailleurs à regarder son concert Tiny Desk pour juger de tout le talent de la demoiselle. Ses concerts « Stadium Edition » sont également très, très bien, à ce que m’en dit L’Aînée — que je crois toujours sur parole.

Mais ce n’est pas uniquement pour sa fantastique capacité à pousser la chansonnette avec cette belle voix de mezzo-soprano, ni même pour son féminisme assumé ou ses prises de position en faveur des minorités (oui, donc, elle est humaine, avec un cœur, si vous en doutiez) que je lui décerne le titre de Dudesse de cette édition.

Si je me fends de ces quelques lignes, et lui rends cet hommage un tantinet brouillon — j’en conviens — c’est avant tout pour son book club Service 95, ses newsletters et son podcast. Elle y partage ses lectures et ce qu’elle en retient, avec une simplicité touchante et beaucoup d’humanité, bien loin du cliché superstrass qu’on pourrait attendre d’une telle icône.

Dans son podcast, elle interviewe les auteurs de ses dernières lectures : et oui, c’est encore mieux quand on parle directement à l’écrivain, et les conversations sont bien souvent passionnantes. Dans quelques jours, ce sera Margaret Atwood qui sera face à Sa Dudeness Lipa — l’autrice du livre probablement le plus prophétique de la situation actuelle qu’elle est chouette chez les Américains, La Servante écarlate.

En attendant, je vous recommande cet épisode avec Percival Everett autour de son livre Châtiments (The Trees en version originale, qui au passage j’ai adoré moi aussi ! ), alors qu’il vient tout juste de remporter le prix Pulitzer pour James, son dernier ouvrage. Un échange passionnant et débordant d’humanité.

Keep it cool, Dua !

A regarder sur Youtube (en VO ou doublé en Français par l’IA !)

Le Dude persiste et signe

Dudéisme : Mouvement philosophico-religieux (et inversement) fondé après la révélation apportée au monde par The Big Lebowski, l’œuvre filmique des frères Coen — grâce leur soit rendue.
Le tao, le zen, Épicure, ainsi que les règles du mölkky ou du bowling selon les pays, ont influencé ce guide vers un chemin qui ne mènera personne à la destination attendue.
Le Dude, incarné par M. Jeff Bridges dans Le Film, est ce Guide dont le principal mantra demeure : « Faut s’la couler douce, mec. »

COMME LA CONFITURE

¡Hasta la victoria siempre! mais à quel prix ?

J’ai eu l’honneur de voir le film de Paul Thomas Anderson, Une bataille après l’autre, la semaine dernière. Oui, je dis bien l’honneur, car je l’ai vu dans des circonstances dont on peut tirer une anecdote.

Je vous laisse juge : alors que je pratiquais ma promenade dominicale en skate (oui, je sais, ne m’en parlez pas), je suis passé devant le cinéma Pathé Palace, boulevard des Italiens. Sur un coût de tête (ah, l’humour…), je suis entré dans ce nouveau lieu et j’ai demandé au quidam derrière le comptoir si le dernier PTA était projeté.

— « Oui », me dit-il. « C’est 25 euros. »

Je faillis en tomber de ma planche à roulettes. Non pas parce qu’il m’avait jeté le prix au visage — je comprends ce jeune homme, on ne sait jamais avec les rebelles à casquette et capuche — mais parce que le prix me semblait… hors de prix.

N’écoutant que ma curiosité, et surtout pas mon porte-monnaie, je fis l’acquisition de ce Ticket d’or pour une séance magique d’un film sur la révolution permanente.

Leonardo Lebowski Di Caprio

Après avoir passé la séance à me prélasser dans un fauteuil en velours beaucoup trop grand pour moi — c’est dire — et à siroter un café américano à sept euros, vendu au rez-de-chaussée par des baristas (des gens qui servent du café avec la préciosité d’un caviste en vins naturels & biodynamiques), j’avoue avoir ressenti une petite gêne passagère : peut-on rire du fascisme — oui, parce que c’est une farce — dans un tel luxe ?

Ce qui est important dans la phrase, c’est bien « dans un tel luxe », car je suis persuadé qu’il faut rire des fascistes — parce qu’ils en sont incapables — et que c’est, en un sens, un acte de bonté.

Interrogatif et gêné aux entournures, j’ai enfourché mon skate pour rentrer dans mes quartiers et faire une bonne sieste. Ce qui est, bien souvent, la solution à toutes mes interrogations.


Merci pour votre temps et votre bienveillante lecture.

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Lettres d'un jeune boomer

Lettres d'un jeune boomer

Par Monsieur Chatellier

Monsieur Châtellier, né sous Pompidou, élevé sous Giscard, propulsé par Mitterrand

✍️ Il chronique sa vie pour que personne ne le fasse à sa place
💌 Il écrit la newsletter « Lettres d'un jeune boomer » qui parle du temps qui passe trop vite pour la Génération X
🙇‍♂️ Il a la chance d'avoir avec lui Gilles Rapaport dessinateur de grand talent qui ajoute sa patte magique à ses récits
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