Un chevalier blanc victime de son destrier - El Duderino, aperçu à Madrid - Des lectures d'humour britannique et des expositions automnales de street art.
Lundi 24 novembre 2025
Paname, alors qu’il vient de neiger
Camarades,
Comment allez-vous ? Bien, j’espère.
Ici dans la plus belle ville du monde, si on en croit les touristes qui s’égaillent par milliers sous mes fenêtres en direction de la butte Montmartre, tout va bien chez moi.
Maintenant qu’on a un gouvernement, que la COP 30 vient de se finir en réglant enfin cette histoire de dérèglement climatique, que les conflits sont terminées ou le seront bientôt grace à l’intervention bienveillante et désintéressée de M. Trump, je me sens gonflé d’optimisme.
Oui je sens que le monde va mieux, et sans aucune intervention de ma part.
Ouf… je peux retourner à mes livres et à ma console de jeu.
Cette semaine, je vous propose une nouvelle chronique OK Boomer illustrée par mon cher Gilles Rapaport : mille graces lui soit rendues, cela n’a pas été facile pour lui ! Sandrine m’a sorti encore une fois du bourbier de la complexité et elle a corrigé mes tombereaux de fotes d’orthographe, un respect infini pour elle !
J’espère que cela vous plaira.
Adesias,
Monsieur Châtellier
PS : Pour rappel, si vous voulez suivre mes aventures pro, c’est sur Linkedin que ça se passe. Pour le reste, c’est sur Instagram quoi !
Ou comment votre chevalier de la vérité a été empêché d’accomplir sa mission par un concours de circonstances qui posent encore aujourd’hui beaucoup de questions.
Vous connaissez Tintin, le jeune reporter avec son mignon et futé petit chien blanc ? J’imagine que oui.
Si je vous parle de lui ce n’est pas pour vous parler de son chien, mais bien de journalisme. Plus précisément de l’influence de Tintin sur ma prime jeunesse professionnelle.
Le baccalauréat en poche, celle de ma veste en jeans avec les badges cousus par ma môman, la poche intérieure pour pas qu’on me le vole, mais là je m’égare, et il est déjà si tôt dans mon texte, je vous prie de m’excuser. Le bac, que j’avais eu comme un petit filou, un scandale je vous dis pas, en poche donc, et me voici à la ville, Clermont-Ferrand, au début des années 1990.
En plus des quelques heures par semaine sur les bancs de différentes facultés, si je ne me réveillais pas trop tard après une soirée ou si ma sieste ne s’éternisait pas, l’ambition me prit de me lancer enfin dans la carrière de journaliste d’investigation qui me tendait les bras, parce que, oui, je connaissais mon Tintin sur le bout des doigts, et on allait voir ce qu’on allait voir.
Dessinateur abandonné par son auteur
par M. Gilles Rapaport
Par un concours de circonstances, en toute transparence le coup de pouce d’un ami du Baron Chat — c’est mon paternel pour ceux qui me lise pour la première fois —, et, aussi, il faut le dire quand même, ma capacité à écrire un français que l’on disait « acceptable mais peut mieux faire », j’obtins un poste de journaliste à la rédaction du quotidien régional La Montagne, pour y travailler pendant les week-ends quand les vrais professionnels du journalisme profitaient de leurs villas avec piscine et autres joyeusetés, j’imagine. Pour vous qui n’êtes peut-être pas Auvergnat, et ce n’est pas un crime, La Montagne c’était le journal Le Monde dans les territoires des Terres du Milieu (ne me contredisez pas et laissez-moi avec mes souvenirs, merci).
Je fis l’acquisition d’une pipe et d’un imperméable, l’habit fait le moine, mais n’allais pas jusqu’à porter les pantalons de golf du jeune reporter – belge par son père et on ne sait rien de sa mère donc je n’extrapole pas là-dessus, notez en cela, je vous prie, ma sobriété d’écriture aujourd’hui.
Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire
par M. Gilles Rapaport
On me dota d’une machine à écrire électrique et d’une Renault Super 5 de fonction, pour accomplir mon devoir d’investigation dans des conditions professionnelles. La machine à écrire, parce que l’ordinateur n’avait pas encore envahi les rédactions et encore moins celles des Territoires qu’on appelait la Province ; la voiture, parce que, dans le métier des plumitifs de la Locale, on partait en reportage dans des contrées pas si lointaines mais assurément mal desservies par quoique ce soit d’utile comme transport pour le zélé serviteur de la vérité que j’étais en ce temps-là.
Cette voiture de fabrication française, plus que la machine à écrire dont je maîtrisais l’utilisation grâce à des cours de dactylographie dispensés au lycée, ne me demandez pas pourquoi mais je sais qu’ils m’ont été bien utiles, ce véhicule, donc, fut pendant ces quelques mois mon plus fidèle compagnon, ma Rossinante à moi, alors que j’allais affronter les frimas des hivers rigoureux que l’on connaissait à cette époque où il y avait encore des saisons, à la recherche de la vérité.
C’est donc avec une volonté de bien faire admirable, j’étais sur le pont de la rédaction tous les week-ends, que j’occupais ma nouvelle fonction « rouletabillesque ». Pendant toute cette période, je n’ai jamais manqué de couvrir qui une attribution du mérite agricole dans une commune des plateaux surplombant Clermont, qui un concert de jazz dans une salle des fêtes de la banlieue voire une exposition Salvador Dali au Musée Bargoin pour laquelle je m’étais fendu d’un titre magique dont je me gargarise toujours : « Dali Dada et les quarante choux-fleurs ». Cela m’avait valu un deuxième whisky en salle de rédaction, un dimanche soir, parce que, oui, c’était au dernier millénaire que cela se passait.
Rien ne résiste à l’appétit de vérité
par M. Gilles Rapaport
Ces heures de gloires journalistiques, alors que je taquinais Kessel et que je me sentais pousser les ailes d’un Albert Londres, ce qui n’est pas très pratique pour taper à la machine, ne durèrent qu’un temps assez court, quelques mois tout au plus.
Par un autre concours de circonstances, le reportage me fut interdit. À la suite d’un accident de la circulation dans la rue Colbert, oui oui, vous avez bien lu, c’est bien une rue parallèle à la rue Morel-Ladeuil, on me confisqua les clés de la bien-aimée Super 5 de fonction.
Je rentrais d’un reportage un dimanche après-midi, je crois que c’était une enquête sans concession sur les derniers joueurs de vieilles des contreforts des Combrailles. Ayant encore à l’esprit les paroles d’Augustin Pirouaix que je venais d’interviewer, soixante-deux ans selon lui et quatre-vingt huit selon la datation au carbone 14, qui m’avait demandé comment se porter M. René Coty, le président de la France, je ne pus éviter un autre véhicule qui avait décidé de couper court à ma carrière en déboitant de sa place de parking sans activer son clignotant.
La Super 5 était endommagée et en conséquence le monde des médias d’investigation aussi.
En punition de ma conduite, au sens propre, on me colla dans une nouvelle pièce au nom barbaresque : la « Télématique ». Ce n’était pas une vraie punition mais une opportunité me dit le rédacteur en chef, mais on ne me la fait pas à moi. Je vous rappelle que j’étais un vrai reporter avide de vérité.
Après avoir été le futur Truman Capote, même si j’avoue qu’Hunter Thompson était plus mon modèle à cette époque, je me retrouvais cantonné à la réécriture de dépêches AFP qui tombaient (c’est l’expression consacrée) sur le Télex pour nourrir le service Minitel du journal, 3615 La Montagne. Que de mots et de concepts archéologiques dans cette dernière phrase.
J’étais donc « vissé au desk » comme on dit et je faisais du bâtonnage avant l’heure. Le bâtonnage, pour ceux qui ne sont pas de la grande et belle famille des médias, c’est l’action de copier/coller des dépêches ou des articles, de les réécrire un petit peu et de les publier sur le site Web du journal. Une pratique répondant à la course aux nouveaux contenus imposée à toutes les rédactions depuis vingt ans par Google et les autres moteurs de recherche.
À l’époque dont je vous narre un épisode, pas de Google, pas de Web, mais le Minitel, cet « Objet formidablement numérique et incroyable » que le monde entier nous enviait, de Washington à Pétaouchnok j’en suis persuadé.
À moi les journées à réécrire, directement sur l'Ofni susmentionné, les résultats des courses hippiques de Chantilly, les scores et les analyses d’autres journalistes que moi des matchs de foot régionaux et nationaux… Les pauvres actualités qui peuplaient les week-ends de ces années-là forment un brouillard épais dont je ne perçois que peu de détails.
Seul rayon de soleil, si j’ose, et là je dois dire que c’est non seulement osé mais totalement inapproprié : le 2 août 1990. Un jeudi, où je bâtonnais pendant que mes collègues échotiers prenaient des congés dans leurs villas avec piscine, elles aussi susmentionnées,
L’Irak de Saddam Hussein envahit le Koweït, marquant le début de la guerre du Golfe, épisode I.
Pour être tout à fait franc, je ne me souviens pas si les papiers que j’ai réécrits ce jour-là ont marqué l’histoire de 3615 La Montagne, j’en serais le premier étonné. Par contre, ce dont je me souviens, c’est que cela m’avait changé des brèves sur l’arrivée de Damoiselle Plantin Du Mortier, une jument de cinq ans, devant Duchesse Des Mines de Sel, dans la cinquième course sur l’hippodrome de Vichy.
C’est cher payé, je vous l’accorde.
Quand au petit chien blanc si mignon et futé qui accompagne partout Tintin Reporter, je finis par l’avoir enfin à mes côtés, quelques décennies plus tard. Mais ça, c’est une autre histoire.
🎶 Play-scriptum : En écrivant ces quelques lignes, j’écoutais Spoon parce que je viens de finir Fiascorama de Thomas VDB et qu’il en parle en bien (il cite aussi Indochine, mais bon… Indochine quoi !). Sinon j’ai passé en revue tout mon Radiohead ces dernières semaines, rapport à là prochaine rubrique (mais quel teaser !).
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Thom Yorke est un Dude, laissez le danser !
Evidence du calendrier me direz-vous en érigeant Thom Yorke comme le Dude de cette édition ! Certes vous n’avez pas tort mais pas que.
Je m’explique pour tous ceux qui ne savent pas que j’ai eu la chance d’assister au dernier concert de Radiohead à Madrid début novembre. Oui, j’ai cassé ma tirelire, récupéré toutes mes pièces jaunes qui sont rouges maintenant, et j’ai vécu ce moment là. J’y étais donc.
Mais au-delà du groupe, qui est l’un de mes préférés, son leader mérite de rejoindre la famille des Grands Maitres du Dudéisme non seulement pour son talent d’écriture et d’interprète, ou le fait que le titre de l’un de ses albums soit l’inspiration de celui de cette rubrique ( Hail to the Thief donc ).
Si j’ai élu Thom ce mois-ci, c’est aussi et surtout le danseur que je veux reconnaitre : il est la personnification la plus aboutie de l’expression « danse comme si personne ne te regardait ». Une inspiration pour la team des danseurs, dont je suis le fier porte-étendard parisien, qui mettent trop la honte pour citer ici Celles qui m’accompagnent.
PS : Et le concert de Madrid ? C’était magique avec les copains, la cerveza et une musique incroyable (la meilleure setlist de toute la tournée à ce qu’on dit ;-) )
Keep it cool, Thom !
Le Dudéisme heureux
Le Dude persiste et signe
L’art urbain ne le reste pas longtemps
C’est la haute saison culturelle pour moi. Je ne sais pas si ça a à voir avec la couleur des feuilles ou le changement d’heure, mais c’est vrai que l’automne se prête à des activités moins physiques et plus contemplatives. Moi aussi, je peux aussi enfoncer des portes ouvertes avec des mots, voyez-vous.
Je viens de finir de lire deux livres de David Lodge, Changement de décor et Jeu de société. De l’humour britannique donc et particulièrement de l’humour de campus. Cela veut dire que l’action se passe principalement dans le décor universitaire avec des personnages évoluant dans ce milieu-là. De l’humour britannique donc puisqu’ils appellent l’université « le collège »… c’est vous dire s’ils sont amusants.
Blague à part, M. Lodge nous promène dans ces deux pastiches de la société anglaise à deux époques différentes, la fin des années 1960 et le mi-temps des années 80 sous la main de fer de Mme Thatcher que chantait si bien Renaud mais ça n’a vraiment aucun rapport.
Je me suis bien amusé avec ces deux histoires vaudevillesques dans le petit monde de Rummidge, la ville fictive théâtre des aventures des personnages du regretté M. Lodge.
A noter que je venais de terminer un roman anglais, Pourquoi pas ? de David Nicholls, de l’humour de campus encore une fois (je suis monomaniaque ou quoi ? ).
J’ai aussi pas mal gambadé dans les expositions Art Urbain de cette automne et je dois dire qu’on est bien gâtés cet automne à Paname. Que ce soit Echappées à la Poste Rodier, le Festival Street Art avec des graffeurs en performance live à la Poste du Louvre ou Urbain de Paname qui se déroule à la patinoire de Saint Ouen (oui vous avez bien lu, je suis allé en banlieue).
Orage de cerveau à la Poste Rodier et le fameux PaixMobil à la patinoire de Saint Ouen
Merci pour votre temps et votre bienveillante lecture.
Les lettres d’un jeune boomer reviennent très vite dans votre boite mail !