Lettres d'un jeune boomer

Des écrits pour les boomers d'aujourd'hui et de demain

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Par Monsieur Chatellier
1 avr. · 4 mn à lire
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Voyage au bout de l'ennui ✈️

Et ils disaient que les voyages forment la jeunesse. Tu parles ! ⛱️

Lundi 1er avril 2024
Paname, une ville en travaux

(mais c’est pour se faire belle, mon enfant)


Camarades,
Comment allez-vous ? Bien j’espère.

Ici on entre dans le printemps au bruit des marteaux piqueurs qui s’activent pour rendre notre ville encore plus belle pour accueillir les touristes pour les Jeux Olympiques. A ce propos, je tiens à signaler aux différents chefs de travaux de faire très attention à ne pas percer dans la conduite de leurs travaux de rénovation qui un clochard, qui un SDF ou un malheureux fuyant la misère de son pays pour dormir sur nos trottoirs. Cela serait dommageable pour l’image de la Ville des Lumières (qu’il faut éteindre après 22h pour sauver la planète, n’oublions pas).
Voilà, j’ai moi aussi apporté ma pierre à l’édifice de notre bel événement mondial mais local avant tout.

Ma chronique du jour vous propose de partir au loin pour retrouver l’une de plus belle pages de mon histoire, celle du “Voyage en Amérique”. Un leçon de vie pour les générations futures à n’en point douter.

Gilles Rapaport a trouvé le temps d’illustrer cette nouvelle pièce de mon puzzle personnel, alors même qu’il est très occupé par un projet magnifique : Les enfants d’Izieu, un spectacle musical dessiné que j’ai eu la chance de voir et que vous pourrez découvrir très bientôt partout en France (oui je fais du teasing pour mes amis !!!).
Sandrine a relu et corrigé ces quelques lignes, on peut dire qu’elle a du mérite !
Encore et toujours, mille merci à eux deux ! 🙇‍♂️

Je vous souhaite une bonne lecture ou écoute, et tout le reste avec.

Adésias,
Monsieur Châtellier


Chronique OK Boomer

Lost in Galveston

Il est des voyages dont on ne revient pas les mains vides, ce qui est un amusant paradoxe comme vous allez le découvrir.

🎧 Version audio de la chronique 🎙️

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Un après-midi de printemps, quelques mois après la fin d’une guerre du Golfe dont plus personne ne se souvient, j’étais assis sur une plage mais pas de ce golfe-là et je méditais.

C’est totalement faux.

À cette époque, je n’avais pas encore théorisé le concept de la méditation horizontaliste, que certains nomment avec une moue de dégoût la « sieste » et qui allait devenir le pilier central de ma pratique quotidienne du Dudeisme, l’un des commandements de mon Livre personnel, une pratique que je n’ai malheureusement pas réussi à transmettre aux camarades de ma cellule familiale bien qu'elles y assistent depuis la création de la Châtellerie mais que voulez-vous leur esprit n’est pas encore ouvert à la sagesse ancestrale de l’art de la pleine inconscience, et c’est pourquoi je pense que l’homme a inventé le chien de compagnie.
Las, je m’égare mais c’est comme ça.

Demain est un autre jour. Oui mais lequel ?
Affreurismes, tome XIX, Michel Webb, Éditions Calmos Les Vieux, mars 2020.

Duo en pleine méditation horizontaliste par Gilles Sleepy RapaportDuo en pleine méditation horizontaliste par Gilles Sleepy Rapaport

Donc je ne méditais pas encore mais je m’ennuyais certainement.

J’étais seul, sur une plage de Galveston, au sud du Texas sur le golfe du Mexique, en plein voyage initiatique numero uno, loin d’être un adulte (je n’avais pas encore fait mon service militaire et j’avais encore une acné de très belle qualité) et j’étais désœuvré. Ce qui est un comble me direz-vous quand on a parcouru la moitié du globe et qu’on a la chance d’être dans un des plus beaux États d’Amérique, celui-là même où les cow-boys ils ne tuaient pas des Indiens mais des Mexicains parce que les Indiens ils les avaient sans doute déjà tous découpés, au sabre ou à la machette, allez savoir, je ne suis pas prof’ d’histoire.

Mais Galveston ce n’était pas Fort Alamo, et niveau activité c’était plutôt fort limité en fait (les mots c’est drôle). C’était à l’époque une grande ville qui donnait sur la mer, avec des pêcheurs, mais surtout des ouvriers qui travaillaient sur des plates-formes pétrolières au large dudit golfe. Pas non plus Key West pour l’exotisme littéraire, Papi Ernesto n’y avait pas écrit un seul bouquin, et encore moins Miami pour la fiesta cubana, pour preuve vous n’aviez même jamais entendu parler de cette ville côtière, et je ne vous en veux pas.

Assis sur la plage, je n’étais pas du tout dans l’ambiance qui n’était pas vraiment paradisiaque. La température de l’eau avoisinait un bain chaud n’invitant pas à s’y ébattre, et sa couleur, marronnasse, n’avait rien d’encourageant non plus. Il faisait une chaleur proche de celle des cuisines d’un McDo qui rendait impossible toute activité de type lecture. Quelques jeunes étudiants en week-end anticipé s’amusaient devant leurs pick-ups garés sur le sable à quelques dizaines de mètres, mais je voyais bien qu’on n’était pas du même monde : ils n’arrêtaient pas de rire.

N’oublie pas que, où que tu ailles, tu es toujours là
Buckaroo Banzaï dans Les aventures de Buckaroo Banzaï dans la 8e dimension

J’ai le souvenir d’une pensée qui m’empêchait de m’ennuyer aussi pleinement que j’aurai dû. Non, non je ne ruminais pas sur les jeunes d’à côté qui s’amusaient comme des foufous et, parmi eux, des filles blondes qui riaient aux éclats avec leur grande bouche pleine d’un nombre incroyable de dents si blanches qu’on en avait mal aux yeux si jamais on les fixait trop longtemps. Quoique cela eût sans doute un rapport.

Galveston : lieu de naissance de Barry White alors que j'y ai perdu mes lunettes par Gilles Soul Train RapaportGalveston : lieu de naissance de Barry White alors que j'y ai perdu mes lunettes par Gilles Soul Train Rapaport

J’avais rejoint Galveston la veille par mon moyen de transport préféré, qui implique un pouce levé et un sourire crispé mais encourageant. Pour les plus jeunes, ce n’est pas d’un émoji que je parle mais bien d’un geste de la main qui me servait à me déplacer ici ou ailleurs. Je venais de San Antonio, où j’avais croisé la reine Élisabeth II, mais elle ne m’avait pas vu je crois, en tout cas elle ne m’avait pas salué depuis son petit bateau à dorures qui évoluait sur les canaux du centre historique de cette ville qu’on nomme aussi la « Venise des Amériques » ou l’« Annecy américaine » je ne sais plus. Ce qui me préoccupait l’esprit, ce n’était pas tant que la reine m’ait ignoré, je ne lui en voulais pas elle avait tant de choses à l’esprit avec toutes ces histoires entre Diana et Charles qui ne présageaient déjà rien de bon je vous le dis, mais bien que j’avais perdu ma paire de RayBan Wayfarer dans le trajet qui m’avait conduit dans ce lieu où je regrettais d’être. De plus, le soleil lui n’avait pas reçu le message et il continuait à darder ses rayons, parce qu’il ne sait faire que ça, darder.

Ces lunettes de soleil, j’y tenais certes mais ce qui me mettait la tête à l’envers c’était de ne pas savoir où je les avais égarées. À l’arrière du pick-up de ce petit couple de vieux retraités ou dans la Mustang de ce type louche qui m’avait tellement effrayé que j’étais allé jusqu’à lui demander de m’arrêter sur une aire de repos parce que « oui là c’est très bien, c’est exactement où je veux aller » (crédibilité zéro, mais il m’avait laissé partir), voire dans l’énorme 4x4 de cette adorable mère de famille accompagnée de ses deux jeunes enfants qui m’avait hébergé pour la nuit ? Ce qui était, avouons-le, plus incroyable que la balade en Mustang avec le tueur en série (oui, avec le temps j’ai décidé que j’étais passé à deux doigts de me les faire tous couper et de les voir rejoindre les autres trophées de celui qu’on a surnommé « Le Tueur à la Mustang », et si ce n’est pas vrai cela aurait très bien pu, et si vous êtes si malin, prouvez-moi le contraire. Ah, on vous entend moins là !).

L'insouciance de la jeunesse aux montures dorées by Gilles Bullit RapaportL'insouciance de la jeunesse aux montures dorées by Gilles Bullit Rapaport

J’avais donc perdu mes lunettes, quelque part dans ce voyage dont j’étais sorti miraculeusement indemne, et ça dardait toujours. Laissant de côté cette recherche infructueuse, qui ne m’aurait donné aucun réconfort, oui vous avez raison de me le faire remarquer il faut savoir lâcher prise, je remontai sur la promenade près de la plage et je pris une décision qui allait bouleverser ma vie. Bon, là j’exagère un peu pour vous amener à une chute dont on pourrait dire qu’elle est assez molle. Je décidai d’acheter un bob de l’armée américaine type « Gulf War x House Music » pour me protéger du soleil. Au grand malheur de Celle que j’accompagne qui ne peut pas le supporter, c’est encore, 25 saisons de NYC Unité Spéciales et cinq présidents français plus tard, mon couvre-chef préféré quand l’été pointe sa tête et que le soleil darde à nouveau.

Ah, si seulement je n’avais pas perdu ces satanés RayBan…

Le fameux Vase de Soisson en équilibre sur ma tête de jeune conLe fameux Vase de Soisson en équilibre sur ma tête de jeune con

🎶 Play-scriptum : En écrivant cette chronique, j’écoutais l’impeccable Billions de Caroline Polachek, je me faisais une petite piqure de rappel (#metajoke) avec Wave of Mutilation des Pixies et je terminais mon écriture avec la version de Toxic trouvé sur la bande originale de Fargo Saison 5 que je ne peux que vous recommandais de binge watcher dès que possible !

A la prochaine, Camarade. D’ici là je te souhaite le meilleur.A la prochaine, Camarade. D’ici là je te souhaite le meilleur.

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