Lettres d'un jeune boomer

Des écrits pour les boomers d'aujourd'hui et de demain

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Par Monsieur Chatellier
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Quel titre ! Mais quel titre !

Lundi 7 octobre 2024
Paname. Et dire que dans deux jours c’est l’anniversaire de Noodle.


Camarades,
Comment allez-vous ? Bien j’espère.

Je suis enfin de retour après un hiatus de plusieurs mois. J’aime ce mot qui me remémore mon premier chat qui s’appelait Titus, mais ça n’a aucun rapport.

Au-delà des congés payés qui m’empêchent par principe de m’approcher du clavier, mon excuse cette fois-ci tient au lancement d’un nouveau projet. Ça s’appelle Partage d’écrans et c’est un podcast produit par Globant, mon employeur (j’allais écrire bienfaiteur, mais n’exagérons pas !) sur une idée de votre serviteur. J’y reçois des invités experts des secteurs du jeu vidéo, du sport et des médias, on parle de révolution technologique tout simplement ! Je co-anime avec mon camarade Paul Depré, c’est disponible sur toutes les plateformes et un épisode sort tous les quinze jours. C’est enjoué, détendu et fun ! (ça s’est du marketing !!!)
Cadeau bonus : On y trouve aussi une chronique de Monsieur Châtellier que j’ai appelé « Le rapport d’étonnement ». Pour écouter et s’abonner, cliquez ici.

Revenons à nous : dans la chronique OK Boomer de cette lettre, je règle enfin mon Oedipe de plume en plantant le dernier clou au cercueil de celui qui a fait de moi ce que je suis (non ce n’est pas mon chef scout ou mon entraineur de basket-ball, c’est une chronique tous publics soyez rassurés).

Vous trouverez dans la chronique trois dessins originaux de Gilles Rapaport, que mille câlins lui soient octroyés. Sandrine a effectué 57 corrections et suggestions sur mon texte. Je loue sa patience mais ce n’est pas ma faute si le français est une langue si compliquée !

Je vous souhaite une bonne lecture ou écoute, et tout le reste avec.

Adésias,
Monsieur Châtellier


Chronique OK Boomer

L’humour est mon métier : un amusant parricide

Oû je dévoile un secret enfoui dans les limbes de mon passé en jouant au Docteur Maboul avec mes souvenirs.

🎧 Version audio de la chronique 🎙️

Mes camarades de lycée se traînaient, après les cours, dans les bars, pour jouer au tarot en sirotant un café avec cinq pailles – je note ici que l’on ne rendra jamais assez hommage à tous les patrons de troquet qui acceptent depuis toujours que les boutonneux viennent s’égayer sur leurs banquettes en exhibant qui sa nouvelle voix, qui ses nouveaux seins, afin de donner leur avis sur tout mais surtout sur rien –, de mon côté je me précipitais chez moi pour exposer mon acné juvénile aux ondes bénéfiques de la radio du salon, parce que oui, tous les soirs de la semaine, je soignais les questionnements sans fin de ma mélancolique adolescence (Qui suis-je ? Où vais-je ? Y aura-t-il des frites au dîner ?) à la lumière de mon père en humour​ : Pierre Desproges, que j’appelle, depuis mon enfance, père Desproges.

Ses « Chroniques de la haine ordinaire » était diffusées, chaque soir, sur France Inter, à l’époque du grand Jacques, le mari de Bernadette, la dame des pièces jaunes, oui, le Premier ministre de François 1er, dans cet exercice incongru qu’on appelait la cohabitation. Prions Mère Nature ou l’être imaginaire de votre choix que cela ne se reproduise plus jamais !

Le temps d’une blague par Gilles Cyclopédique Rapaport

Je ne pouvais manquer les saillies de l’auteur, qui comptait plus pour moi que Rimbaud, Balzac, Lagarde et Michard. Cela me coûta, d’ailleurs, un redoublement, dont je ne suis pas peu fier, rebelle que je suis. Mais je n’en veux pas à Desproges, il ne faisait que son métier et il le faisait si bien.

Il faut savoir que, depuis tout petit, bien avant l’avènement des radios libres et de la Fête de la musique, il faisait partie de ma vie. Déjà, le dimanche, alors que j’étais minot, taille poussin, après le repas dominical (le dimanche donc, c’est le jour du repos, vous voyez ?), je me gondolais en famille sur l’absurdité de ses interventions, dans une émission de télévision qui s’appelait « Le Petit Rapporteur », émission où l’on se gondolait beaucoup, alors que, de mémoire, aucune n’a jamais été enregistrée à Venise !

Puis nous assistâmes à l’avènement du bonheur pour tous, avec l’arrivée de la gauche humaniste, sociale et bienveillante (les chars de l’Armée rouge ​n​’avaient pas ​broyé les pavés des Champs-Élysées en 1981, qu’ils en soient remerciés). Ce qui correspondait, mais ce n’est pas une conséquence, à la diffusion de l’émission de radio « Le Tribunal des flagrants délires », sur France Inter également, chaque midi de la semaine. L’apparition de cette pantalonnade radiophonique, où un invité se voyait jugé pour de rire, n’est pas une conséquence de l’arrivée du « bien » au pouvoir, ​c​ar, à cette époque, aussi incroyable que cela puisse paraître aujourd’hui, « l’humour d’Inter », comme l’écrit Télérama, n’était pas « islamo-gauchiste », comme on dit sur Europe 1, mais plutôt anarcho-libertaire, pour me citer moi-même. Une sensibilité baroque et haute en couleur qui a disparu au passage des successifs barrages républicains, qui ont empêché avec succès la montée des extrêmes dans notre beau pays humaniste, social et bienveillant, lui aussi. Fin de la parenthèse politique.

L’humour au travail par Gilles Happiness Officer Rapaport

Donc, je courais, je pédalais, je « planche-à-roulettais » chaque jour comme un fou, pour ne pas louper l’intervention de Pierre, je l’appelle Pierre, je n’ai jamais pu l’appeler papa. Ses réquisitoires, diffusés à 12 h 07, m’ont nourri, posant les bases de ce M. Châtellier que certains peuvent trouver fatiguant. La plume trempée dans le vitriol doublée d’un numéro quotidien d’équilibriste sur le fil de la langue française, m’enchantait. ​J’étais subjugué par l’élégante ironie de ce procureur de la République française de théâtre, sous la robe duquel battait un cœur gonflé d’humour​. Ce sont les ingrédients qui m’ont contaminé, certains diront empoisonné.

Pour achever sa tâche de destruction massive de l’Homo serius que j’aurais pu être, le comique enchaîna ensuite les spectacles d’une qualité d’écriture inégalée, que je me procurais en 33-tours pour avoir ma dose, ainsi qu’un format court télévisuel dont l’absurdité tenait au génie.

La fameuse méthode Couette par Gilles Bon Public Rapaport

Et c’est pour ces crimes ignobles que je réclame la peine capitale pour père Desproges. ​Qu’on ne vienne pas me dire qu’il nous a déjà quittés, emporté par un cancer dont on avait bien ri : la justice n’accepte aucune excuse quand elle doit accomplir son œuvre.

Étonnant, non ?

🎶 Play-scriptum : En écrivant cette chronique, j’écoutais la version trippante de You’re the one that I want par Lo-Fang, le dernier Fontaines DC Starbuster et j’ai fait un saut dans le tempo chez Massive Attack.

A la prochaine, Camarade. D’ici là je te souhaite le meilleur.A la prochaine, Camarade. D’ici là je te souhaite le meilleur.